24.3.08

Homélie du Jeudi Saint

Jeudi saint : Ex 12,1-8.11-14 ; 1Co 11,23-26 ; Jn 13,1-15.
Le lavement des pieds.

Quelle est la signification théologique et spirituelle du lavement des pieds ?
Jésus lui donne beaucoup d’importance et il en fait un commandement. Ce que Jean retient et qu’il nous rapporte du soir de la cène en lieu et place de l’institution eucharistique que Matthieu, Marc et Luc ont déjà rapportée. Pour comprendre la signification spirituelle de ce geste de Jésus, nous devons commencer par écarter les significations purement matérielles.
1. Ce n’est pas une question d’hygiène. C’est ce premier sens que voit Pierre. Non, pas toi Seigneur, quand-même ! Non, tu ne me laveras pas les pieds. C’était un geste qu’on avait du mal à demander même à son esclave. Notons en outre qu’à l’époque, le sol des maisons n’était ni en carrelage, ni en parquet, mais en terre battu, comme en voit encore aujourd’hui dans le tiers-monde.
2. Ce n’est pas non plus une question de purification. Le deuxième sens que voit Pierre, une fois qu’il croit comprendre la réaction de Jésus. Si tel est le cas, alors pas seulement les pieds. Et le Seigneur de lui dire : « vous êtes déjà purs, mais pas tous ». S’il était question de la purification, Judas, lui aussi s’est pourtant fait laver aussi les pieds.
N’oublions pas que nous chez St Jean, l’évangéliste qui a construit son évangile autour des sacrements. Et si nous devons faire allusion au baptême, il n’est pas une simple purification rituelle, ni une question d’hygiène. La question selon laquelle pourquoi vous ne baptisez pas par immersion trouve ici une de réponse. Le baptême est une grâce qui s’accomplit dès que les éléments constitutifs du sacrement sont réunis et produisent ainsi leur effet indépendamment du ministre qui le fait. Il ne s’agit pas de purifier le corps, mais l’âme.

3. Quel est alors la portée spirituelle de ce lavement des pieds ? Ce geste était posé et est encore posé aujourd’hui par certaines cultures, surtout arabe. Quand on reçoit un étranger, on lui offre une bassine d’eau pour laver les pieds, signe de rafraichissement. Il existe encore dans beaucoup de ville surtout en occident, de fontaines à cet effet, on peut se mouiller la tête, se laver les pieds, avant de continuer sa route. A la maison, il symbolise l’accueil, l’hospitalité. C’est le « make yourself at home ». Ici Jésus le fait lui-même, signe du partage et de la charité.
Certaines traditions l’appliquent autrement (en Afrique par exemple, quand on reçoit un étranger, on commence par lui offrir un verre d’eau). Le lavement des pieds a donc le sens du repos. Repose-toi, maintenant après tout ce que tu as enduré comme fatigue. Et quand c’est offert par le maître de maison, cela a un sens de l’accueil, de l’hospitalité. Je t’introduis dans ma communion. Je te partage mon domaine. C’est le « make yourself at home » des anglais. L’hospitalité et l’accueil sont les premiers signes de la charité. Ils marquent positivement ou négativement tout le séjour. Ou on est accueilli ou on est rejeté. Jésus fait du lavement des pieds un commandement : faites-le les uns aux autres », il a manqué seulement de dire « en mémoire de moi » . Ce que tout chrétien devrait comprendre (vu l’important que lui donne Saint Jean). En réalité, il n’est pas nouveau ce commandement, parce qu’il s’inscrit dans le commandement de l’amour qu’il nous a déjà donné. Qu’est-ce que l’amour sans pardon ? Le lavement des pieds c’est toutes les fois que l’homme voit, non pas l’humiliation qui appelle à la vengeance, mais l’humilité qui le pousse à la demande du pardon. La charité ne peut pas se vivre dans la division, elle ne se vit pas sans la réconciliation. Le lavement des pieds c’est quand « un » Jean Paul II demande pardon au monde de la science reconnaissant l’œuvre de Galilée. Le lavement des pieds c’est quand une Chancelière allemande peut-être capable de tenir un langage nouveau (celui de la réconciliation) et peut parler l’hébreux sur le sol juif et quand les juifs peuvent entendre l’allemand en plein milieu d’un parlement représentatif de tout un peuple.qui l’avait imaginé ? Nous sommes appelés à poser des gestes concrets et chacun de nous porte la responsabilité de l’humanité. De ce qui se passe en Afghanistan, en Irak, au Darfour, en République Démocratique du Congo, en Colombie, au Kenya,… moi chrétien, j’ai quelque chose à dire, j’ai une expression à adresser à qui peut m’entendre, j’ai une prière à faire monter au Dieu des vivants qui meurt en son Fils pour la réconciliation de tout le genre humain. Prenons courage, osons poser ce geste d’abord dans nos milieux de vie pour que le monde change de visage. « Vous m’appelez Maître et Seigneur, je le suis, et pourtant, je vous ai lavé les pieds ; faites-le vous aussi les uns aux autres ». Il n'y a pas de charité sans un oubli de soi; il n'y a pas de charité sans un esprit de service.
Prions pour l’institution du sacerdoce et sa mission dans l’Eglise, prions pour l’institution de l’eucharistie et la réalisation de l’unité du monde dans le respect de religions, prions pour l’institution de la charité fraternelle en ce jeudi saint et pour la réconciliation et la paix dans le monde.